Y a-t’il un lien entre le nombre de nouveaux cas de Covid-19 et le climat ?

Cet article, qui est destiné à un public curieux plutôt qu’à d’éminents spécialistes, essaye de démontrer que la pandémie de Covid-19 montre des signes de saisonnalité.

Mise à jour du 26 avril 2020 (première publication le 16 avril 2020.)

(Pour afficher les graphiques en plein écran, cliquer sur leur légende.)

En mars, dès la prise de conscience que l’Europe n’échappera pas à la pandémie de Covid-19, nous avions émis l’hypothèse que le SARS-COV-2 pouvez réagir au climat comme la grippe saisonnière. Un commentateur (médecin) avait coupé court à cette éventuelle théorie sur une chaîne de télévision d’information en continu : il n’est pas question de rapport entre saison et cette épidémie, pensez-donc Wuhan est en zone quasi tropicale, si le virus était sensible à la chaleur, il n’y aurait pas eu d’épidémie en Chine. Ce n’est que quelques jours plus tard que nous avons eu suffisamment de doutes pour nous inciter à faire des vérifications.

D’abord la situation géographique ; Wuhan est sur le 30ème parallèle (30° 34′ 00″ nord) presque à la même latitude de Gizeh en Égypte (29° 58′ 46″ nord), ce qui n’est pas tout à fait tropical.

Ce qui conduit à rechercher le tableau des températures de Wuhan et à le rapprocher des valeurs trouvées en France pour des périodes identiques ; deux villes sont choisies : Lyon (45° 45′ 35″ nord) et Mulhouse (47° 44′ 58″ nord). La date choisie pour la comparaison est le 1er février 2020. À cette date, les minima / maxima sont :

  • Wuhan : -1 / 14 °C
  • Lyon : 5 / 15 °C
  • Mulhouse : 6 / 16 °C

Première constatation, les températures de Wuhan pour le début d’année 2020 sont inférieures à celles de Lyon et de Mulhouse pour la même période.

Ces température à Wuhan seraient-elles explicables en raison de l’altitude de la ville ; sur un haut plateau, même en latitude plutôt proche de l’équateur, les températures peuvent être basses en hiver.

Les chiffres sont :

  • Wuhan : 37 m
  • Lyon : de 162 m à 305 m
  • Mulhouse : de 232 m à 338 m
    Les doutes sont levés, en hiver à Wuhan il fait plus froid qu’à Lyon et Mulhouse.

Évolution des températures en 2020 pour Wuhan, Lyon et Mulhouse

Cette étude va porter sur la période de temps qui va du 1er février 2020 jusqu’à la dernière date de mise à jour de ce document.
Après que toutes les températures aient été enregistrées (minima et maxima pour chaque jour), il faut leur trouver une présentation significative, le plus simple étant d’en faire un graphique.

Évolution des températures de Wuhan, Lyon et Mulhouse pour les premiers mois de l’année 2020

Pas besoin d’avoir fait de longues études spécialisées pour comprendre que ce graphique (gribouillis) ne va rien nous apprendre sur les informations que nous recherchons. Pour le rendre plus lisible, il faut lisser les données.
Lissage : c’est une méthode qui permet de n’avoir d’abord qu’un seul point pour la température d’une journée puis d’atténuer les variations importantes et d’aplatir les pointes ; le plus simple est de faire une opération qui ressemble à une moyenne.
Pour chaque jour, nous prenons les 6 jours qui précèdent et nous additionnons les températures minimales et maximales à celles du jour concerné, puis nous divisons par 14. Cette méthode est légèrement différentes de la méthode officielle (algorithme de Savitzky-Golay avec un polynôme de degré 0) qui demanderait de prendre 3 jours avant et 3 jours après le jour concerné.
Le choix de l’intervalle de 7 jours est purement arbitraire, mais il a été fait intuitivement en rapport avec le délai moyen, observé dans des pays à tests fréquents ou des circonstances particulières (navire de croisière), délai entre l’infection par le virus et les premières manifestations de la Covid-19 (exactement 7,2 jours).

Évolution des températures de Wuhan, Lyon et Mulhouse pour les premiers mois de l’année 2020 après lissage des données.

Cette courbe est nettement plus sympathique que la précédente. Il ne s’agit plus de températures, mais d’indices de température qui montrent l’évolution dans le temps en nous évitant les bruits parasites.
La courbe de Wuhan (rouge) se sépare des 2 autres une première fois vers le 25 février puis vers le 8 mars elle monte plus généreusement ; les courbes françaises prennent de l’altitude à partir du 4 avril.

Évolution de la Covid-19 dans la province du Hubei et en France pour les premiers mois de l’année 2020

La deuxième partie de l’étude consiste à déterminer quelle collection de données va représenter au mieux l’évolution de la maladie du Sars-Cov-2 en Chine et en France.

Nous disposons de quatre possibilités pour une date donnée :

  • le nombre de personnes ayant acquis le virus à cette date ; les êtres humains étant ce qu’ils sont, il est quasiment impossible de déterminer le moment exact de l’acquisition du virus ou de déduire ce moment à partir du cas suivant. L’observation en elle-même est impossible, le virus n’étant pas un bouledogue et d’autre part les humains ne réagissent pas pareillement au virus.
  • le nombre de personnes confirmées comme étant infectées par le virus soit parce que certaines ont signalé 2 ou plusieurs symptômes de la maladie, soit parce qu’elles ont été testées positives à la maladie. Ce chiffre n’est jamais exhaustif mais, selon les méthodes utilisées pour chaque pays, il est plus ou moins précis. Plutôt précis pour les pays qui testent à large échelle, plutôt peu précis pour ceux qui ne testent pratiquement que les entrées à l’hôpital. En France les chiffres sont plutôt douteux car les ARS (Agences Régionales de Santé) fournissent des données plus ou moins fiables ; la France est le seul pays qui affiche un compteur totalisateur en baisse par rapport à la veille, c’était le 14 avril ! (Ceci a été corrigé à la date du 26 avril 2020.)
  • le nombre de personnes en réanimation ; ce nombre ne convient pas parce que seule une faible part des personnes infectées vont jusqu’à la réanimation.
  • le nombre de personnes décédées ; même raison que dans le cas précédent à laquelle s’ajoute le fait que les malades peuvent décéder entre quelques jours ou plusieurs semaines après leur admission.

Le cas retenu pour cette étude est le nombre de personnes confirmées ; si le recensement est bien fait, de ce nombre peut même être déduit le nombre total de porteurs du virus en multipliant par 3 ou 4 ; pour la France ce serait plutôt aux alentours de 10 qu’il faudrait multiplier le nombre de confirmés.
Les zones de population retenues sont :

  • la province chinoise du Hubei, 60 millions d’habitants, capitale Wuhan ;
  • la France, 65 millions d’habitants, capitale Paris.

Les deux régions recouvrent des populations d’importance comparable et les données pandémiques sont disponibles. Dans ce cas aussi, pour rendre les courbes pratiques à lire, il faut lisser les données ; un intervalle de 5 jours a été choisi encore une fois arbitrairement, mais il correspond à la durée moyenne qui sépare les premières manifestations de la Covid-19 de l’éventuelle hospitalisation.

Indices des cas confirmés pour le Hubei et la France, pour les premiers mois de l’année 2020 après lissage des données, comparés aux indices des températures.

Les courbes en pointillés correspondent aux Indices des cas Confirmés Quotidiens. L’axe gauche correspond aux indices de températures et l’axe droit correspond aux indices des cas confirmés. Les courbes en pointillés s’arrêtent avant les courbes pleines car les températures sont sujettes à des prévisions météorologiques mais les cas confirmés ne se prêtent pas à des prévisions (on pourrait extrapoler les données mais ce serait pur hasard car c’est la première année d’analyse du comportement du SARS-COV-2 alors que pour la météo la récolte des données date de la fin du 19ème siècle).
Il faut remarquer la forme assez semblable des 2 pics suivis d’une descente assez abrupte.

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de l’observation de ces courbes ?

Avant de tirer une quelconque conclusion, il serait nécessaire de savoir ce qu’il va en être entre le 16 avril et la fin du mois ; ce virus nous a démontré déjà qu’il pouvait être surprenant. Une rétroaction n’est pas impossible.

Donc la première conclusion serait de dire que la fin de semaine des 25 et 26 avril sera une date essentielle pour redéfinir les pronostics sur les conséquences de la pandémie en France. Dans le cas favorable, la date du 27 avril 2020 pourrait être celle du lancement des préparations d’un déconfinement tandis que la date du 11 mai 2020 serait alors justifiée pour un démarrage en douceur et prudent du déconfinement.

Rendez-vous le 26 avril 2020 pour une mise à jour des données.
Mise à jour du 26 avril 2020 : la courbe descendante des nouveaux cas confirmés quotidiens est parfaitement lisible. Il y a, en France, de moins en moins de nouveaux cas chaque jours de personnes trouvées comme portant pour la 1ère fois le Sars-CoV-2. Et, toujours, il faut garder à l’esprit que ces nouveaux cas ont été contaminés environ une semaine avant l’apparition des symptômes. Qu’en sera-t’il le 11 mai, date borne posée par le gouvernement ? Rendez-vous le 10 mai 2020 pour de nouveaux graphes.

Une deuxième conclusion porte sur le sérieux de la collecte des données. Il existe en France une organisation appelée Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) dont l’une des fonctions est de « produire et publier de nombreux indices, dont la qualité est très généralement reconnue. » Il devrait être possible de mettre en place un Bureau des Statistiques en Période de Crise, alimenté par des Agences Locales de Collecte des Données ; le Bureau une fois créé et doté des outils les plus modernes serait mis en veille (personnel de réserve) et régulièrement placé en exercice. Ce serait là un bon moyen de prévoir en période de crise et de paraître « sérieux » vis à vis du reste du monde.

Les données climatologiques sont extraites des éléments publiés par AccuWeather, Inc.
Les données sur la Covid-19 sont au crédit de The Johns Hopkins University Center for Systems Science and Engineering (JHU CSSE) Baltimore
, USA.

À venir :
Y a-t’il un lien entre le nombre de nouveaux cas de Covid-19 et le climat ? Épisode 2.
Y a-t’il un lien entre le nombre de nouveaux cas de Covid-19 et le climat ? Épisode 3.
Archives :
Les graphiques du 15 avril 2020 sont ici :
Températures brutes
Températures lissées
Températures lissées et cas confirmés quotidiens lissés

3 Comments

Charles Guichard says:

« Environmental factors, including seasonal climatic variability, can strongly impact on spatio-temporal patterns of infectious disease outbreaks, but relationships between Covid-19 dynamics and climate remain controversial. »
in Climate affects global patterns of COVID-19 early outbreak dynamics from Francesco Ficetola & Diego Rubolini (Dipartimento di Scienze e politiche Ambientali, Università degli Studi di Milano)

Abstract:
Environmental factors, including seasonal climatic variability, can strongly impact on spatio-temporal patterns of infectious disease outbreaks, but relationships between Covid-19 dynamics and climate remain controversial. We assessed the impact of temperature and humidity on the global patterns of Covid-19 early outbreak dynamics during January-March 2020. Here we show that Covid-19 growth rates peaked in temperate regions of the Northern Hemisphere with mean temperature of ~5°C, and specific humidity of 4-6 g/m during the outbreak period, while they were lower both in warmer/wetter and colder/dryer regions. Relationships between Covid-19 and climate were robust to the potential confounding effects of air pollution and socio-
economic variables, including population size, density and health expenditure. The strong relationship between local climate and Covid-19 growth rates suggests the possibility of seasonal variation in the spatial pattern of outbreaks, with temperate regions of the Southern Hemisphere becoming at particular risk of severe outbreaks during the austral autumn-winter.

One Sentence Summary:
Temperature and humidity strongly impact the variation of the growth rate of Covid-19 cases across the globe.

On y trouve aussi : « The strong relationship between local climate and Covid-19 growth rates suggests the possibility of seasonal variation in the spatial pattern of outbreaks, with temperate regions of the Southern Hemisphere becoming at particular risk of severe outbreaks during the austral autumn-winter. »

Référence: https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.23.20040501v3 du 23 mars 2020


LC Chartrain says:

Les betacoronavirus comme les autres coronavirus sont généralement des infections hivernales.
Cependant le SRAS-COV-2 est un virus de l’année inconnu il y a peu de la totalité des systèmes immunitaires des êtres humains.
Lorsqu’il y a tant d’hôtes dont l’immunologie est ainsi prise en défaut, le virus peut, à l’arrivée de la saison estivale, être encore très actif.
L’aspect saisonnier, dans ce cas, sera plus évident au fur et à mesure des années suivantes.


Luc Malfo says:

L’usage du conditionnel est en effet très important pour cet article.


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